L'Albatros

Albatros. Fuente:wikipedia

Les Fleurs du Mal
Spleen e ideal
L'Albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Las flores del mal
Spleen e ideal
El Albatros
Por diversión, a veces, los marineros cazan
algún albatros, grandes pájaros de los mares,
que siguen, indolentes compañeros de viaje,
al barco que navega sobre abismos amargos.

Ni bien los dejan sobre las planchas de cubierta,
esos reyes del cielo, torpes y avergonzados,
arrastran, lastimosos, sus grandes alas blancas
al costado del cuerpo, como si fueran remos.

¡Ese viajero alado, qué tosco ahora, y qué enclenque!
¡Tan bello hace un instante, qué feo y qué ridículo!
Para burlarse, uno le da a fumar en pipa;
otro, haciéndose el rengo, imita al que volaba.

El poeta es semejante al señor de las nubes,
que vive en la tormenta y se ríe del arquero;
exiliado en el suelo, abucheado por todos,
sus alas de gigante le impiden caminar.

Las Flores del Mal
Charles Baudelaire