sábado, 15 de noviembre de 2008

La razón suficiente

Durero: El sifilítico bajo el zodiaco
CANDIDE,
ou
L'OPTIMISME,
TRADUIT DE L'ALLEMAND
DE M. LE DOCTEUR RALPH,
AVEC LES ADDITIONS
QU'ON A TROUVÉES DANS LA POCHE DU DOCTEUR,
LORSQU'IL MOURUT
À MINDEN, L'AN DE GRÂCE 1759
Chapitre 4
Comment Candide rencontra son ancien maître de philosophie, le docteur Pangloss, et ce qui en advint.
A ce discours, Candide s'évanouit encore; mais revenu à soi, et ayant dit tout ce qu'il devait dire, il s'enquit de la cause et de l'effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux état. Hélas ! dit l'autre, c'est l'amour: l'amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l'univers, l'âme de tous les êtres sensibles, le tendre amour. Hélas ! dit Candide, je l'ai connu cet amour, ce souverain des cœurs, cette âme de notre âme; il ne m'a jamais valu qu'un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable ?
Pangloss répondit en ces termes: O mon cher Candide ! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne: j'ai goûté dans ses bras les délices du paradis, qui ont produit ces tourments d'enfer dont vous me voyez dévoré; elle en était infectée, elle en est peut-être morte. Paquette tenait ce présent d'un cordelier très savant qui avait remonté à la source, car il l'avait eu d'une vieille comtesse, qui l'avait reçu d'un capitaine de cavalerie, qui le devait à une marquise, qui le tenait d'un page, qui l'avait reçu d'un jésuite, qui, étant novice, l'avait eu en droite ligne d'un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai à personne, car je me meurs.

CANDIDO,
Ó
EL OPTIMISMO,
VERSION DEL ORIGINAL TUDESCO
DEL DR. RALPH,
Con las adiciones
que se han hallado en los papeles del Doctor,
despues de su fallecimiento
en Minden, el año 1759 de nuestra redencion.
CAPITULO IV.
De qué modo encontró Candido á su maestro de filosofía, el doctor Panglós, y de lo que le aconteció.
Desmayóse otra vez Candido al oir este lamentable cuento; pero vuelto en sí, y habiendo dicho quanto tenia que decir, se informó de la causa y efecto, y de la razón suficiente que en tan lastimosa situacion á Panglós habia puesto. ¡Ay! dixo el otro, el amor ha sido; el amor, el consolador del humano linage, el conservador del universo, el alma de todos los seres sensibles, el blando amor. Ha, dixo Candido, yo tambien he conocido á ese amor, á ese árbitro de los corazones, á esa alma de nuestra alma, que nunca me ha valido mas que un beso y veinte patadas en el trasero. ¿Cómo tan bella causa ha podido producir en vm. tan abominables efectos? Respondióle Panglós en los términos siguientes: Ya conociste, amado Candido, á Paquita, aquella linda doncella de nuestra ilustre baronesa; pues en sus brazos gocé los contentos celestiales, que han producido los infernales tormentos que ves que me consumen: estaba podrida, y acaso ha muerto. Paquita debió este don á un Franciscano instruidísimo, que había averiguado el orígen de su achaque, porque se le habia dado una condesa vieja, la qual le habia recibido de un capitan de caballería, que le hubo de una marquesa, á quien se le dió un page, que le cogió de un jesuita, el qual, siendo novicio, le habia recibido en línea recta de uno de los compañeros de Cristobal Colon. Yo por mi no se le daré á nadie, porque me voy á morir luego.
Cándido o el optimismo
Voltaire

No hay comentarios: