jueves, 4 de diciembre de 2008

Hoy ha muerto mamá

Albert Camus
L’étranger
Première partie
1
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.
L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’ Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : "Ce n’est pas de ma faute." Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.

El extranjero
Primera parte
I
Hoy ha muerto mamá. O quizá ayer. No lo sé. Recibí un telegrama del asilo: «Falleció su madre. Entierro mañana. Sentidas condolencias.» Pero no quiere decir nada. Quizá haya sido ayer.
El asilo de ancianos está en Marengo, a ochenta kilómetros de Argel. Tomaré el autobús a las dos y llegaré por la tarde. De esa manera podré velarla, y regresaré mañana por la noche. Pedí dos días de licencia a mi patrón y no pudo negármelos ante una excusa semejante. Pero no parecía satisfecho. Llegué a decirle: «No es culpa mía.» No me respondió. Pensé entonces que no debía haberle dicho esto. Al fin y al cabo, no tenía por qué excusarme. Más bien le correspondía a él presentarme las condolencias. Pero lo hará sin duda pasado mañana, cuando me vea de luto. Por ahora, es un poco como si mamá no estuviera muerta. Después del entierro, por el contrario, será un asunto archivado y todo habrá adquirido aspecto más oficial.
El extranjero
Albert Camus

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