Cartas filosóficasLettres philosophiques
TREIZIÈME LETTRE SUR M. LOCKE.Jamais il ne fut peut-être un esprit plus sage, plus méthodique, un logicien plus exact que M. Locke ; cependant il n'était pas grand mathématicien. Il n'avait jamais pu se soumettre à la fatigue des calculs ni à la sécheresse des vérités mathématiques, qui ne présente d'abord rien de sensible à l'esprit ; et personne n'a mieux prouvé que lui qu'on pouvait avoir l'esprit géomètre sans le secours de la géométrie. Avant lui, de grands philosophes avaient décidé positivement ce que c'est que l'âme de l'homme ; mais, puisqu'ils n'en savaient rien du tout, il est bien juste qu'ils aient tous été d'avis différents.
Dans la Grèce, berceau des arts et des erreurs, et où l'on poussa si loin la grandeur et la sottise de l'esprit humain, on raisonnait comme chez nous sur l'âme.
Le divin Anaxagoras, à qui on dressa un autel pour avoir appris aux hommes que le Soleil était plus grand que le Péloponnèse, que la neige était noire et que les cieux étaient de pierre, affirma que l'âme était un esprit aérien, mais cependant immortel.
Diogène, un autre que celui qui devint cynique après avoir été faux-monnayeur, assurait que l'âme était une portion de la substance même de Dieu ; et cette idée au moins était brillante.
Épicure la composait de parties comme le corps. Aristote, qu'on a expliqué de mille façons, parce qu'il était inintelligible, croyait, si l'on s'en rapporte à quelques-uns de ses disciples, que l'entendement de tous les hommes était une seule et même substance.
Le divin Platon, maître du divin Aristote, et le divin Socrate, maître du divin Platon, disaient l'âme corporelle et éternelle ; le démon de Socrate lui avait appris sans doute ce qui en était. Il y a des gens, à la vérité, qui prétendent qu'un homme qui se vantait d'avoir un génie familier était indubitablement un ou un fripon ; mais ces gens-là sont trop difficiles.
Quant à nos Pères de l'Église, plusieurs dans les premiers siècles ont cru l'âme humaine, les Anges et Dieu corporels.
Le monde se raffine toujours. Saint Bernard, selon l'aveu du père Mabillon, enseigna, à propos de l'âme, qu'après la mort elle ne voyait point Dieu dans le Ciel, mais qu'elle conversait seulement avec l'humanité de Jésus-Christ ; on ne le crut pas cette fois sur sa parole. L'aventure de la Croisade avait un peu décrédité ses oracles. Mille scolastiques sont venus ensuite, comme le docteur irréfragable, le docteur subtil, le docteur angélique, le docteur séraphique, le docteur chérubique, qui tous ont été bien sûrs de connaître l'âme très clairement, mais qui n'ont pas laissé d'en parler comme s'ils avaient voulu que personne n'y entendît rien.Cartas filosóficasCon seguridad, nunca ha habido un espíritu más juicioso, más metódico, ni un lógico más exacto que Locke; sin embargo, no era un gran matemático. Nunca pudo someterse a la fatiga de los cálculos ni a la aridez de las verdades matemáticas, incapaces de dar nada sensible al espíritu; nadie como él ha demostrado que se puede tener un espíritu geométrico sin geometría. Antes de él, los grandes filósofos habían dado definiciones del alma humana, pero como lo ignoraban todo sobre el tema, es natural que sus opiniones fueran diversas.
Decimotercera carta: Sobre Locke
En Grecia, cuna de las artes y de los errores, donde tan lejos llegaron la grandeza y la estupidez humanas, se razonaba sobre el alma como en nuestros tiempos.
El divino Anaxágoras, al que le fue elevado un altar por enseñar a los hombres que el Sol era mayor que el Peloponeso, que la nieve era negra y que los cielos eran de piedra, afirmaba que el alma era un espíritu aéreo, pero, sin embargo, inmortal.
Diógenes, otro que se hizo cínico después de haber sido monedero falso, aseguraba que el alma era una porción de la sustancia misma de Dios; esta idea era, por lo menos, brillante.
Epicuro creía que se componía de partes, como el cuerpo. Aristóteles, que ha sido explicado de mil maneras distintas, porque es ininteligible, creía, si creemos a algunos de sus discípulos, que el entendimiento de todos los hombres estaba formado por una única y misma sustancia.
El divino Platón, maestro del divino Aristóteles, y el divino Sócrates, maestro del divino Platón, creían que el alma era corporal y eterna. Sin duda el demonio de Sócrates le había enseñado la realidad. Hay gentes que creen que un hombre que se vanagloria de tener un genio familiar era, sin duda, un loco o un bribón, pero es que esas gentes son demasiado exigentes.
En cuanto a los Padres de la Iglesia, creyeron que el alma humana, los ángeles y Dios eran corporales.
El mundo se refina constantemente. San Bernardo, según la confesión del padre Mabilon, enseñó que después de la muerte el alma no veía a Dios en el cielo, sino que únicamente conversaba con la humanidad de Cristo. Sus palabras no fueron muy creídas porque la aventura de las Cruzadas había desacreditado sus oráculos. Más tarde, muchos escolásticos como el doctor irrefutable, el doctor sutil, el doctor angelical, el doctor seráfico, el doctor querúbico, estaban plenamente convencidos de que conocían el alma, pero hablaban de ella como si quisieran que nadie les entendiera.
Voltaire
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